Un roman d’une intelligence rare
Voici mon second billet pour cette rentrée littéraire 2013, consacré à « Kinderzimmer », de Valentine Goby. Une expérience très particulière de lecture que je vais essayer de vous conter (ça ne fait jamais que 15 jours que j’essaye de coucher mon émotion -mes nombreuses émotions- sur le papier).
Résumé : En 1944, le camp de travail de Ravensbrück compte plus de quarante mille femmes. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de lumière dans les ténèbres. Dans cet effroyable présent une jeune femme survit, Mila, sur le point de donner la vie dans cet univers de mort.
Ce roman n’est pas bien épais en taille (218 pages) mais qu’il est profond. Il m’a fallu 2 semaines pour le lire. Je le trouvais tellement intense que je n'arrivais pas à lire plus de quelques pages à la fois. A vrai dire, j'ai rarement lu une histoire d'une telle force. C’est un roman d'une qualité rare, par de nombreux aspects. On sent le travail d'écriture à toutes les lignes : chaque mot est soigneusement choisi et chaque mot fait mouche. Ce n’est pas un roman qui est écrit pour vous tirer des larmes avec de l’émotion facile (bah oui des bébés à Ravensbrück, forcément ça va faire pleurer dans les chaumières). Mais non, non, non, pas d’émotion en carton, ce n’est pas du tout de cela qu’il s’agit. C’est tellement plus. C’est un roman qui m’a coupé le souffle, physiquement, un roman qui m’a fait faire marche-arrière, presque à chaque page, pour relire un passage, une phrase, un mot… Et le pouvoir de ces mots fut réellement de me laisser… sans mot.
Les premières 100 pages du roman sont davantage centrées sur Mila, pas tellement sur sa grossesse, qu’elle se refuse d’accepter parce que, imaginez-vous, comment serait-il possible d’accepter de porter en soi… un mort à venir, parce que mettre au monde à Ravensbrück, c’est mettre à mort. Et c’est dans cette partie que le grand talent de Valentine Goby se fait ressentir : en même temps que les prisonnières complètement perdues et hébétées, nous voilà plongé dans l’horreur du camp, qui a son propre vocabulaire [chtoubova] [rouhe] [chwaïneraille] [chtrafblock] [chneller] : ces mots claquent, ces sons agressent notre oreille et l’atmosphère est plantée. Naturellement.
Et au milieu de toute cette fange ravensbrückienne, l’auteure arrive à introduire d’infimes rais de lumière : des notes de musique, des petits sabotages à la fois anodins et héroïques, une libellule aux ailes vibrantes, un beau ciel indécent où le soleil se lève, une fleur au bord d’un lac, une coccinelle sur une épaule. Parce que l’espoir ne peut que se résumer à cela au milieu de cette puanteur insoutenable, de ces humiliations quotidiennes, de la torture, des privations. De l’abomination.
Ce livre n’est pas un témoignage. Ni un compte-rendu. Ni « un livre de plus sur le sujet ». Non, c’est un roman, dans le sens le plus noble du terme, servi par une plume d’une qualité exceptionnelle.
Un tout grand merci à Actes Sud pour cette découverte. Mila, Marianne, Lisette. Et Teresa, bien que personnage secondaire, entre dans le top 3 des personnages les plus beaux qu’il m’ait été donné de rencontrer.
Il est malaisé pour moi de vous conseiller de lire ce roman car j’ai tellement vécu cette lecture que je ne peux garantir qu’il en sera de même pour vous (cependant, étant donné que le roman en est déjà à sa 6ème impression, il semble que je sois très loin d'être la seule ainsi conquise). Mais du haut de ma trentaine, et des centaines de livres lus, je me permets tout de même de vous dire que, selon moi, « Kinderzimmer » est tout simplement un excellent roman. Merci Valentine Goby.
Ma note : (je ne peux pas dire
que c’est un « coup de cœur », ça me semble tellement déplacé pour un livre de cette qualité) (oui je sais, ça peut paraitre bizarre, mais je le ressens ainsi).
Je ne vous mets pas de liens vers des
billets positifs car vous en trouverez à chaque coin de rue. Par contre, voici l'avis de Reveline, qui trouve que c'est "un roman sans subtilité au style désagréable" : par ICI.
2/6
Stephie 17/10/2013 07:06
Coccinelle 07/10/2013 14:40
Ivy 05/10/2013 22:20
Agathe 03/10/2013 06:53
Jacqueline 28/09/2013 11:36
Cajou 29/09/2013 12:39
Livresse des Mots 25/09/2013 20:19
Cajou 29/09/2013 12:40
Christie 25/09/2013 17:22
faurelix 25/09/2013 14:41
Natacha 25/09/2013 14:38
Neph 25/09/2013 11:04
BooksOfShadow 24/09/2013 23:47
lilu 24/09/2013 22:29
argali 24/09/2013 21:49